23 юли 2019

Droits de l’homme et liberté de religion : liberté religieuse et insécurité


Colloque
Droits de l’homme et liberté de religion :
liberté religieuse et insécurité

8 au 11 mars 2003, Sofia, Bulgarie


Conscience et Liberte, 64, 2003, page 43-47,

Colloque 8-11 Mars 2003, Sofia

 Gewissen und Freiheit, 59, 2003, seite 39-44, 
Kolloquium 8-11
Maerz 2003, Sofia
 


Plan du dossier


Samedi 8 mars 2003

Séance d’ouverture

«Un colloque sur la religion et l’insécurité en Europe

a-t-il sa raison d’être?»


Allocutions

M. Verfaillie
R. M. Martinez de Codes
L. Toshev
K. Andreev
L. Koulichev

Dimanche 9 mars 2003

Première séance

«L’Europe occidentale, centrale et orientale — les religions

historiques et les nouveaux mouvements religieux

dans leur optique historique et sociale»

J. Baubérot, Des religions historiques aux nouveaux mouvements
religieux — les leçons de la laïcité française

A. Krusteff, La liberté religieuse — une question relative au
développement stratégique de la Bulgarie…………………..

…………………………………………………….




M. Latchezar Toshev, 

Président de la Commission des droits
de l’homme et des religions au Parlement bulgare

Je vous remercie de m’avoir permis d’assister au colloque organisé par
l’Association internationale pour la défense de la liberté religieuse (AIDLR)et d’y prendre la parole.

 J’aimerais profiter de cette occasion pour vous souhaiter, au nom de la Commission des droits de l’homme et des cultesauprès du Parlement bulgare, le plein succès de vos travaux.

Je me réjouis qu’un tel colloque se déroule en Bulgarie. Cela montre,
compte tenu des événements qui se sont déroulés dans les pays voisinssitués dans l’ouest des Balkans, que l’esprit prend peu à peu le dessus sur lematérialisme et que nous pouvons envisager l’avenir avec optimisme.
M. Maurice Verfaillie m’a rapporté certaines discussions organisées parl’AIDLR, et je trouve que le sujet qui sera traité dans les prochains jours est non seulement extrêmement intéressant, mais très important pour le développement
de la société.

La liberté religieuse est un droit fondamental qui doit être reconnu à
chaque individu, partout dans le monde.

La liberté religieuse est garantie par la Constitution bulgare, ainsi que par
la Convention européenne pour la défense des droits de l’homme et des
libertés fondamentales du Conseil de l’Europe et le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques de l’ONU, tous deux ratifiés par la Bulgarie.

Selon notre Constitution, les traités internationaux ratifiés par le
Parlement font partie intégrante de notre législation intérieure et, le cas
échéant, remplacent les normes déjà existantes qui les contredisent.

 Une nouvelle loi relative aux religions a été adoptée dans le cadre de la législation intérieure.

Elle a été envoyée à la Cour constitutionnelle et au Conseil
de l’Europe, qui la soumettront à une expertise.

 J’espère que ces démarches déboucheront sur une réglementation normative stable, conforme aux standards européens. Parallèlement, un débat public lié à l’adoption de la loi a eu lieu; il a probablement exercé un rôle éducatif sur les citoyens.

 Horace déclaré : «Vaines sont les lois si les moeurs manquent.» 
 
Quid leges sine moribus vanae proficiunt!
 
C’est pourquoi, sans négliger la codification, je placerai en premier lieu l’opinion
et la mentalité publiques, qui jouent un rôle significatif sur le niveau de civilisation
d’une société. La liberté religieuse et l’attitude de la société à son
égard constituent le thème clé de ce colloque.

Jacques Ellul a posé le problème de l’éthique de la liberté, une question
fondamentale que je voudrais lier au principe de la responsabilité. 

C’est la responsabilité et non l’obligation que je prendrai en considération, car la
responsabilité est une catégorie d’ordre moral que l’on atteint grâce à sa
formation et à son éducation, et non par voie de codification. Je n’ai pas l’intention de répéter ce qu’ont dit Hans Jonas et Hannah Ahrendt, ainsi que Max Weber au sujet de l’éthique de la foi;

 Je voudrais plutôt rappeler la Déclaration du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pour l’éducation de la société démocratique fondée sur les droits et les responsabilités des citoyens. 

Elle a été votée en 1999, à l’occasion du 50e anniversaire de la création, à Londres, le 5 mai 1949, de la plus vieille organisation européenne.

L’Église orthodoxe oecuménique a d’ailleurs été la première à soutenir cette
déclaration et à exprimer sa volonté d’adhérer à son programme en cours.
Elle a pris cette décision durant le 6e Dialogue entre les Églises orthodoxes
et le Parti Populaire Européen, qui s’est déroulé à Bucarest, en 2002. 

L’Église orthodoxe bulgare y était représentée par l’évêque d’Adrianopoli Evloguii,
recteur du séminaire de Plovdiv.

Il convient donc que les libertés et droits de l’homme soient connus et
exercés par les citoyens. 

Par «citoyens», j’entends non pas les «ressortissants», mais les membres actifs d’une société qui connaissent leurs droits et en jouissent, tout en respectant ceux des autres. 

Ce sont eux qui nomment les cadres dirigeants, choisissent les fonctionnaires et exercent sur eux un contrôle.

Il me semble important de souligner que les libertés religieuses ne peuvent
pas porter atteinte aux droits des autres membres de la société, ni aux libertés
et droits fondamentaux de ses propres coreligionnaires. 

C’est en cela que consiste la responsabilité de la liberté ou l’éthique de la liberté. 

Ce serait un acte conscient de la part d’un membre d’un culte, quel qu’il soit, d’être prêt, parfois, à s’imposer des limites plutôt que de porter atteinte aux droits des autres. 

Le principe de la responsabilité est d’ailleurs profondément enraciné
dans les fondements de la morale chrétienne, qui enseigne l’amour du
prochain, voire de son ennemi. Ce sont des préceptes fondamentaux que le
Fils de Dieu, Jésus-Christ, nous a légués.

Parler de tolérance et de dialogue entre les différentes religions est très à
la mode, aujourd’hui. Surtout après les actes répréhensibles perpétrés par
certains nouveaux mouvements religieux — comme «AUM» —, qui provoquent
des exterminations et des calamités ou conduisent à des suicides collectifs. 

De pareils actes représentent un danger pour la société, et il ne
faut pas les tolérer. D’où la nécessité de limiter la liberté religieuse.

À mon avis, l’État ne peut intervenir que pour garantir la tolérance, au cas
où les différences se transformeraient en conflits ou menaceraient les droits
de l’homme, l’ordre public, la vie et la santé des personnes ou la sécurité
nationale. 

Ces notions doivent être nettement définies pour ne pas
commettre d’abus par rapport à de tels actes.

Si on étudie quelque peu les principales religions monothéistes, on
constate que nulle d’entre elles n’appelle à l’intolérance. Cependant, certains
individus tentent d’exploiter — surtout à des fins politiques — les différentes
religions, en les conduisant assez souvent vers l’intégrisme et le refus
des principes de la société civique. 

En utilisant le terme «intégrisme», je n’ai pas seulement à l’esprit l’intégrisme islamique.

Il suffit de jeter un oeil sur ce qui se passe en Irlande du Nord, où les
conflits entres protestants et catholiques perdurent. 

Vous ne le savez peutêtre pas, mais de nombreux catholiques et protestants ont adhéré à l’Église orthodoxe, à la suite de ces conflits et de la réforme des doctrines ecclésiastiques.

Le même fait est aussi constaté aux États-Unis, en Belgique et
dans d’autres pays dont les traditions religieuses ne sont pas orthodoxes.

Ces changements entrent dans le cadre des droits attachés à la liberté religieuse.
Je ne saurais aligner le christianisme orthodoxe parmi les confessions
intégristes. En effet, celui-ci est conservateur et n’admet aucune modification
de sa doctrine.

Pour les chrétiens orthodoxes, le libre choix est une valeur essentielle.
Tout choix fait à la suite d’une violence n’est pas acceptable. C’est la raison
pour laquelle les croisades et le massacre des hérétiques, ainsi que les
supplices du bûcher, leur sont étrangers.

Les bogomiles bulgares, dont sont issus les cathares et les Albigeois, en
France, ont été condamnés lors d’un concile, mais cela n’a eu qu’un effet
moral à l’époque : ils n’ont pas été persécutés. 

De plus, jusqu’au XVIIe siècle, la religion officielle en Bosnie était le bogomilisme. Jusqu’au XVIIIe siècle, on trouvait encore des cimetières pauliens à Plovdiv, comme on peut le constater sur les anciennes cartes qui ont été conservées, malgré les différences religieuses. 

Les pauliens sont une variété de bogomiles qui se sont convertis
au catholicisme au XVIIe siècle.

Dieu tolère les différences pour que l’homme puisse choisir en toute
conscience la voie de son salut, qui est unique — Jésus-Christ, dont le corps

est l’Église, c’est-à-dire la communauté, la confrérie chrétienne orthodoxe.

Le choix qui résulte d’une violence n’a donc aucune valeur. 

Si je dis cela, c’est parce que nous nous trouvons en Bulgarie, pays où la confession traditionnelle est l’orthodoxie.

L’orthodoxie respecte le principe de la liberté religieuse et de l’humanisme,
et cela ne date pas d’hier. En voici un exemple : le sauvetage des juifs bulgares, entre 1942 et 1943, dans lequel l’Église orthodoxe bulgare a joué un
rôle primordial, avec son Exarque Stéphane et le Métropolite de Plovdiv

Cyrille, devenu plus tard Patriarche. 

Quel meilleur exemple pourrait-on donner de la tolérance religieuse que celle manifestée à l’égard d’hétérodoxes?

D’autres activités sont menées dans cette direction par un autre dirigeant
spirituel, le chef de la "Fraternité blanche", Petar Dunov, qui agit par
l’intermédiaire du conseiller du Tzar, Lyubomir Lultchev, un de ses coreligionnaires. 

Les 9 et 10 mars prochains, nous célébrerons le sauvetage des juifs bulgares suscité, pendant l’Holocauste, par Dimitar Pechev, Viceprésident de l’Assemblée Nationale de l’époque et 43 députés de la majorité. 

Cet acte moral, qui n’était pas sans risque, a montré que, durant cette période, un esprit de tolérance régnait en Bulgarie. 

C’est ainsi que plus de 48 000 juifs ont pu être sauvés — un fait inconnu, à l’époque, qui s’est déroulé dans un territoire sous le contrôle de Hitler.

Je voudrais aussi rappeler que la Bulgarie a ouvert ses portes auxréfugiés arméniens turcs et qu’ils ont été très cordialement accueillispar les Bulgares orthodoxes, malgré les différences religieuses quiles séparaient.

On pourrait également mentionner qu’entre les années 1984 et 1989, lors des persécutions perpétrées par le régime communiste sur les Turcs domiciliés en Bulgarie, le peuple a refusé d’entrer dans cette violence et a manifestébeaucoup de compassion à l’égard de ces derniers. 

Lors des fêtes religieuses, par exemple, les voisins, qui appartenaient à des cultesdifférents, s’offraient des gâteaux et des oeufs rituels colorés. Cette tolérance peut être donnée en exemple. 

Elle montre qu’il ne faut pas forcément s’engager sur la voie de l’oecuménisme pour obtenir de bons résultats etjouir du pluralisme religieux. L’oecuménisme est d’ailleurs toujours contestédans les milieux orthodoxes. 

J’en veux pour preuve les dernières protestationsémanant du Monastère Esphigmen, du mont Athos, qui critiquent certaines actions oecuméniques du Patriarche Oecuménique Bartholomé I-er.

Cela ne signifie pourtant pas que l’on ne doive pas tenter d’établir un
dialogue, de développer un esprit de tolérance et de respect ou de chercher
à connaître l’autre. Il ne me semble pas nécessaire d’insister pour que des
prières et des messes soient organisées en commun. 

Cela pourrait provoquer la résistance du clergé et d’autres cultes et, en fait, ce n’est pas vraiment indispensable, étant donné qu’on a choisi de dialoguer et de pratiquer la tolérance à l’égard des différences.

 Maintenir les différences culturelles, ethniques, religieuses, linguistiques, etc., à la base du traitement légal, c’est en cela que consiste le modèle européen qui triomphe aujourd’hui. De cette manière, la liberté religieuse ne nuit pas à la sécurité publique, bien au contraire, elle y contribue.

 Mais tout n’est pas acquis d’office, évidemment, et il faut lutter pour que ces deux valeurs soient respectées.

L’initiative du Pape Jean-Paul II d’entamer prochainement une discussion
sur la question du statut du pape et, plus particulièrement, sur le principe
catholique de la suprématie papale sur les autres épiscopats est un pas en
avant dans cette direction. C’est une des questions qui, depuis mille ans, divisent
l’Église orthodoxe et l’Église catholique. 

On pourrait aussi ajouter que le pape a prononcé son credo en omettant «et du Fils» («fileoque») à la manière de l’Église orthodoxe, tel qu’on le prononçait à l’époque précédant la scission.

Voila donc un exemple de leader spirituel qui travaille non seulement pour le
dialogue, mais aussi pour l’union de l’Église, en revenant aux racines et aux
dogmes communs avant la scission.

Je conclurai en souhaitant que ce colloque marque un pas en avant et
contribue à la tolérance, au dialogue, à la connaissance mutuelle et au
respect de la liberté religieuse, malgré les différences qui existent entre les
êtres humains.

Ce serait, en quelque sorte, un pas de plus vers le changement
de la mentalité des individus et de la société, pour construire un
monde meilleur et une société plus juste et tolérante.



Avis | Doc. 12576 | 11 avril 2011

La dimension religieuse du dialogue interculturel

Commission des questions politiques et de la démocratie
Rapporteur : M. Latchezar TOSHEV, Bulgarie, PPE/DC
Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3720 du 8 octobre 2010. Commission chargée du rapport: commission de la culture, de la science et de l’éducation. Voir Doc. 12553. Avis approuvé par la commission le 11 avril 2011. 2011 - Deuxième partie de session


A. Conclusions de la commission




La commission des questions politiques prend note du rapport de Mme Anne Brasseur intitulé «La dimension religieuse du dialogue interculturel», dans lequel la commission de la culture, de la science et de l’éducation aborde, à nouveau, une question sur laquelle l’Assemblée parlementaire a déjà pris position. La commission des questions politiques est globalement en accord avec les grandes lignes du projet de recommandation. Elle estime toutefois que le texte pourrait se rapprocher davantage des positions prises par l’Assemblée par le passé.

B. Amendements proposés au projet de recommandation




Amendement A (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 8, remplacer les mots «se reconnaissent réciproquement» par les mots «se reconnaissent mutuellement le droit à la liberté de religion et de conviction».

Amendement B (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 8, supprimer le mot «nouvelle».

Amendement C (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 10, remplacer les mots «qui acceptent les valeurs fondamentales communes» par «qui respectent la loi».

Amendement D (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 10, remplacer les mots «des personnes ayant des convictions humanistes qui adhèrent à ces mêmes valeurs fondamentales» par les mots «des personnes sans croyances religieuses».

Amendement E (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 12, remplacer les mots «les associations humanistes» par les mots «les associations non religieuses pertinentes».

Amendement F (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 17.1, remplacer les mots «les religions et les principales organisations humanistes» par les mots «les institutions religieuses et les organisations non religieuses pertinentes».

C. Exposé des motifs, par M. Toshev, rapporteur pour avis


1. Le dialogue ne peut qu’être bénéfique pour la société et devrait être encouragé, en particulier le dialogue entre différentes expériences culturelles. Comme le fait remarquer à juste titre Mme Brasseur, le Conseil de l’Europe traite de cette question dans son «Livre blanc sur le dialogue interculturel» de 2008.

2. Compte tenu du caractère multiculturel de l’Europe, le dialogue interculturel est essentiel à la cohésion sociale. Bien qu’ils n’aient pas le même héritage historique et culturel, les peuples d’Europe sont unis par des valeurs universelles communes: la démocratie, la primauté du droit et le respect des droits de l’homme, notamment le respect de la diversité culturelle.

3. La religion est une dimension de la culture à laquelle beaucoup accordent une grande importance, ce qui influence leur façon d’appréhender les réalités de ce monde. La religion a joué un rôle majeur dans l’histoire de l’Europe, notamment dans la création d’un système de valeurs communes. Le caractère laïc de l’Europe d’aujourd’hui ne va pas dans le sens de l’élimination du rôle public des religions en tant que vecteurs de valeurs.

4. Nous devons saluer les efforts déployés par plusieurs chefs religieux pour promouvoir la paix, la tolérance et la compréhension mutuelle, et pour éliminer la haine au sein des peuples de différentes religions et cultures. Citons l’exemple de l’initiative Vlatadon du Patriarcat œcuménique de l’Eglise orthodoxe, qui a rassemblé des hauts représentants de différentes religions de la région des Balkans en 2001 en vue de favoriser la tolérance entre les différentes religions; la Journée mondiale de la prière pour la paix à Assise (initiative de l’Eglise catholique sous le pontificat du pape Jean-Paul II) réunissant des représentants de différentes religions; la lettre ouverte aux chrétiens de 2007 signée par 138 dignitaires de l’islam; le Dialogue théologique entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique et l’adoption du document conjoint de Ravenne.

5. Dans sa Recommandation 1804 (2007) «Etat, religion, laïcité et droits de l’homme», l’Assemblée recommandait au Comité des Ministres de recenser et de diffuser des exemples de bonnes pratiques en matière de dialogue avec des responsables des communautés religieuses. Pour le rapporteur, un exemple en la matière est celui de la participation active de hauts représentants de l’Eglise orthodoxe bulgare au sauvetage de l’ensemble de la communauté juive de Bulgarie en 1943, durant l’Holocauste.

6. Dans cette même recommandation, l’Assemblée réaffirme «qu’une des valeurs communes en Europe, qui transcende les différences nationales, est la séparation de l’Eglise et de l’Etat». C’est un principe généralement admis qui domine la vie politique et institutionnelle dans les pays démocratiques. Ainsi, dans sa Recommandation 1720 (2005) sur l’éducation et la religion, l’Assemblée notait que «la religion de chacun, y inclus l’option de ne pas avoir de religion, relève du domaine strictement privé».

7. Il n’existe pas de disposition unique en Europe pour les relations entre les Etats et les communautés religieuses. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, on rencontre différents dispositifs: le modèle prévoyant une séparation claire entre l’Etat et les religions, celui de «l’Eglise d’Etat», celui du «concordat» entre l’Eglise et l’Etat et celui de «l’Eglise prédominante». Tous ces modèles sont compatibles avec l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans certains Etats membres, aucune disposition particulière ne s’applique à ces relations.

8. L’Assemblée reconnaît l’importance du dialogue interculturel et sa dimension religieuse, et se déclare «prête à participer à l’élaboration d’une stratégie globale du Conseil de l’Europe en la matière». Elle estime cependant que, «dans le respect du principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat, le dialogue interreligieux ou interconfessionnel n’est pas du ressort des Etats ou du Conseil de l’Europe».

9. Les religions, au même titre que les autres parties prenantes, sont en droit d’exprimer leurs points de vue sur la société. Des douzaines d’organisations religieuses et non religieuses sont déjà représentées au Conseil de l’Europe, en vertu du statut participatif des organisations non gouvernementales.

10. Comme l’a maintes fois affirmé l’Assemblée, la liberté d’expression est l’un des droits de l’homme les plus importants. Le projet de recommandation présenté par la commission de la culture, de la science et de l’éducation indique dans son paragraphe 4 que «la liberté de religion ainsi que la liberté d’avoir une vision philosophique ou laïque du monde sont indissociables de l’acceptation sans réserve, de la part de tous, des valeurs fondamentales inscrites dans la Convention». Au paragraphe 10, l’Assemblée rappelle «la nécessité de sauvegarder les droits des personnes ayant des convictions humanistes qui adhèrent à ces mêmes valeurs fondamentales». Dans la mesure où la protection des droits de chacun ne peut être subordonnée à l’acceptation ou à l’adhésion aux valeurs, je propose – dans un souci de clarté et pour éviter toute équivoque – une légère reformulation de certains passages.

11. Le même paragraphe 10 fait référence aux «personnes ayant des convictions humanistes». Cela pouvant paraître restrictif, je propose de remplacer cette expression par «personnes non croyantes». Pour la même raison, il serait judicieux de remplacer, à l’alinéa 17.1, «principales organisations humanistes» par «représentants des associations non religieuses pertinentes».

12. Toujours au paragraphe 10, il est fait référence à l’obligation qu’ont les Etats de «veiller à (…) éviter qu’un soutien privilégié accordé à certaines religions ne devienne, dans les faits, disproportionné et discriminatoire». Pour éviter toute équivoque et par souci de clarté, il serait préférable de supprimer le qualificatif «discriminatoire».

Recommandation 1962 (2011) Version finale

La dimension religieuse du dialogue interculturel

Auteur(s) : Assemblée parlementaire
Origine - Discussion par l'Assemblée le 12 avril 2011 (12e et 13e séances) (voir Doc. 12553, rapport de la commission de la culture, de la science et de l'éducation, rapporteur: Mme Brasseur; et Doc. 12576, avis de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Toshev). Texte adopté par l'Assemblée le 12 avril 2011 (13e séance).
1. L’Assemblée parlementaire constate l’intérêt grandissant pour les questions concernant le dialogue interculturel dans un contexte européen et mondial où les efforts de rapprochement et de collaboration entre communautés au sein de nos sociétés et entre les peuples, pour construire ensemble le bien commun, sont mis constamment en danger par des incompréhensions, de fortes tensions, voire des actes barbares de haine et de violence.
2. L’Assemblée se réjouit de la dynamique positive qui se développe au sein du Conseil de l’Europe et qui favorise une approche intégrée des questions concernant le dialogue interculturel et sa dimension religieuse. Le Livre blanc sur le dialogue interculturel – Vivre ensemble dans l’égale dignité et les rencontres annuelles organisées par le Comité des Ministres sur «La dimension religieuse du dialogue interculturel» sont en quelque sorte l’aboutissement de cette approche.
3. L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme («la Convention», STE no 5) garantit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cette liberté représente l’une des assises d’une «société démocratique» au sens de la Convention; elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents.
4. L’affirmation de ce droit inaliénable implique la liberté pour chacun d’avoir (ou non) une religion et de manifester sa religion individuellement et en privé, ou de manière collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi. Les Eglises et communautés religieuses ont, en Europe, le droit d’exister et de s’organiser de manière autonome. Néanmoins, la liberté de religion ainsi que la liberté d’avoir une vision philosophique ou laïque du monde sont indissociables de l’acceptation sans réserve, de la part de tous, des valeurs fondamentales inscrites dans la Convention.
5. Ces valeurs doivent nous rassembler, mais il est également important de reconnaître les différences culturelles qui existent entre personnes de convictions différentes. Les différences, dans la mesure où elles sont compatibles avec le respect des droits de l’homme et des principes à la base de la démocratie, ont non seulement le droit d’exister, mais contribuent également à la détermination de l’essence de nos sociétés plurielles.
6. Le modèle européen est par définition multiculturel et il faudrait prendre en considération les différences résultant d’un vécu historique diversifié. Néanmoins, les valeurs communes telles que le respect mutuel, la protection des droits fondamentaux, la démocratie, la tolérance, l’acceptation que les différences sont un fait normal et la vision d’un futur commun doivent être renforcées davantage.
7. Le problème réside souvent dans notre attitude face à la diversité. L’Assemblée insiste sur la nécessité pour chacun d’apprendre à partager ses différences de manière positive et à accueillir l’autre avec les siennes, afin de construire des sociétés cohésives, ouvertes à la diversité et respectueuses de la dignité de toute personne. A cette fin, l’Assemblée est persuadée de l’importance de la dimension religieuse du dialogue interculturel, ainsi que de l’importance de la collaboration entre les communautés religieuses, pour la promotion des valeurs qui constituent le socle commun de nos sociétés européennes et de toute société démocratique.
8. L’Assemblée estime qu’il est non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire que les diverses Eglises et communautés religieuses – et notamment les chrétiens, les juifs et les musulmans – se reconnaissent mutuellement le droit à la liberté de religion et de conviction. Il est également indispensable que les personnes de toutes les convictions et de toutes les visions du monde, qu’elles soient religieuses ou non, acceptent d’intensifier le dialogue en s’appuyant sur l’affirmation commune de l’égale dignité de toutes les personnes et sur l’adhésion sans réserve aux principes démocratiques et aux droits de l’homme. Ce sont là deux conditions essentielles pour développer une nouvelle culture du vivre ensemble. L’Assemblée appelle donc toutes les Eglises et les communautés religieuses à poursuivre leurs efforts de dialogue, y compris avec les mouvements humanistes, afin de travailler à l’unisson pour atteindre l’objectif d’une garantie effective de ces valeurs partout, en Europe et dans le monde.
9. Il incombe aux Etats de mettre en place les conditions nécessaires au pluralisme religieux et de convictions, et d’assurer le respect effectif de la liberté de pensée, de conscience et de religion, tel que garanti par l’article 9 de la Convention.
10. L’Assemblée rappelle à cet égard l’obligation pour les Etats de veiller à ce que toutes les communautés religieuses qui acceptent les valeurs fondamentales communes puissent bénéficier de statuts juridiques appropriés garantissant l’exercice de la liberté de religion et d’éviter qu’un soutien privilégié accordé à certaines religions ne devienne, dans les faits, disproportionné et discriminatoire. Les Etats doivent également réconcilier les droits des communautés religieuses avec la nécessité de sauvegarder les droits des personnes sans croyance religieuse qui adhèrent à ces mêmes valeurs fondamentales.
11. L’Assemblée considère qu’il est nécessaire de développer un partenariat dynamique et fructueux entre les institutions publiques, les communautés religieuses et les groupements s’inspirant d’une vision non religieuse. La reconnaissance par les diverses confessions religieuses et par les convictions non religieuses de la dignité humaine comme un bien essentiel et universel constitue le point de départ commun.
12. De ce fait, l’Assemblée recommande aux autorités publiques aux niveaux local et national de faciliter les rencontres organisées dans le cadre du dialogue interreligieux ainsi que d’encourager et de soutenir les projets développés en commun par plusieurs communautés, y compris avec les associations humanistes et non religieuses, qui visent à consolider les liens sociaux à travers, par exemple, la promotion d’une solidarité intercommunautaire, l’attention à l’égard des personnes les plus vulnérables et la lutte contre les discriminations.
13. L’Assemblée réaffirme l’importance et le rôle du système éducatif pour la connaissance et la compréhension des différentes cultures, y compris les croyances et les convictions qui les caractérisent, et pour l’apprentissage des valeurs démocratiques et du respect des droits de l’homme. Elle recommande aux Etats et aux communautés religieuses de reconsidérer ensemble, sur la base des orientations données par le Conseil de l’Europe, les questions de l’enseignement du fait religieux, de l’enseignement confessionnel et de la formation des enseignants et des ministres du culte ou cadres religieux, en suivant une approche holistique.
14. L’Assemblée souligne que le principe de neutralité de l’Etat s’applique à l’enseignement religieux dans le cadre scolaire et que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il incombe aux autorités nationales de veiller avec la plus grande attention à ce que les convictions religieuses et non religieuses des parents ne soient pas heurtées.
15. Pour l’Assemblée, le défi est aujourd’hui de trouver l’accord et l’équilibre nécessaires afin que l’enseignement du fait religieux devienne une opportunité de rencontre et d’écoute réciproque. Elle recommande aux Etats et aux communautés religieuses de faire des efforts concertés dans cette direction et invite les Etats à se donner les moyens nécessaires pour passer des déclarations aux réalisations sur le terrain. Il serait hautement recommandable que chaque enseignant, tous types d’enseignement et filières confondus, suive pendant sa formation un module le familiarisant avec les courants de pensées majeurs.
16. L’Assemblée rappelle que l’autonomie interne des institutions religieuses quant à la formation des cadres religieux est un principe inhérent à la liberté de religion. Néanmoins, cette autonomie est limitée par les droits fondamentaux, les principes démocratiques et l’Etat de droit, que nous avons en commun. Dès lors, l’Assemblée invite les institutions et les responsables religieux à réfléchir, si possible ensemble et dans le cadre du dialogue interreligieux, sur la manière appropriée de mieux former leurs cadres religieux:
16.1. à la connaissance et à la compréhension des autres religions et convictions ainsi qu’à l’ouverture, au dialogue et à la collaboration entre communautés religieuses;
16.2. au respect des droits fondamentaux, des principes démocratiques et de l’Etat de droit, comme assise commune de ce dialogue et de cette collaboration.
17. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
17.1. de promouvoir un véritable partenariat pour la démocratie et les droits de l’homme entre le Conseil de l’Europe, les institutions religieuses et les organisations humanistes et non religieuses, visant à favoriser l’engagement actif de toutes les parties prenantes dans des actions de promotion des valeurs fondamentales de l’Organisation;
17.2. de créer, pour ce faire, un espace de dialogue, une table de travail entre le Conseil de l’Europe et de hauts représentants de religions et d’organisations non confessionnelles, afin d’asseoir les relations existantes sur une plate-forme stable et formellement reconnue;
17.3. de développer cette initiative en concertation avec les parties intéressées, d’y associer étroitement l’Assemblée parlementaire et, dans toute la mesure du possible, l’Union européenne, et d’inviter l’Alliance des civilisations – ONU et éventuellement d’autres partenaires à y contribuer;
17.4. de poursuivre, dans ce contexte, l’organisation de rencontres thématiques sur la dimension religieuse du dialogue interculturel.
18. L’Assemblée recommande, en outre, au Comité des Ministres:
18.1. de promouvoir l’adhésion des Etats du Bassin méditerranéen à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), à l’Accord partiel sur la mobilité des jeunes par la Carte Jeunes et au Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud);
18.2. d’inviter tous les Etats membres à soutenir tout projet ciblé que le Centre Nord-Sud pourrait développer pour renforcer les dynamiques positives de la dimension religieuse du dialogue interculturel au-delà des frontières du continent européen, sur le plan interrégional et/ou global;
18.3. d’accroître les moyens alloués au projet sur les cités interculturelles, dans lequel il conviendrait d’intégrer explicitement la dimension religieuse du dialogue interculturel;
18.4. d’offrir davantage de soutien aux travaux du Centre européen Wergeland à Oslo, notamment pour développer sa capacité de collaborer avec les Etats membres du Conseil de l’Europe sur des projets concernant la dimension interculturelle et interreligieuse de la formation des enseignants et des éducateurs.
19. L’Assemblée invite l’Union européenne, en particulier le Parlement européen et la Commission européenne, ainsi que son Agence des droits fondamentaux, à développer des programmes communs avec le Conseil de l’Europe dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté démocratique et de l’éducation aux droits de l’homme, s’appuyant sur la Charte que le Comité des Ministres a adoptée le 11 mai 2010 (Recommandation CM/Rec(2010)7), ainsi que dans le domaine du dialogue interculturel et interreligieux.
20. L’Assemblée invite l’Alliance des civilisations – ONU à développer des programmes communs avec le Conseil de l’Europe visant à accroître les synergies dans l’action des deux organisations en Europe.




SESSION ORDINAIRE DE 2011
________________
(Deuxième partie)
COMPTE RENDU
de la douzième séance
Mardi 12 avril 2011 à 10 heures
(...)



3. La dimension religieuse du dialogue interculturel

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur la dimension religieuse du dialogue interculturel, présenté par Mme Brasseur, au nom de la commission de la culture, de la science et de l’éducation (Doc. 12553), ainsi que de l’avis présenté par M. Toshev, au nom de la commission des questions politiques (Doc. 12576). Après avoir écouté Mme la rapporteure, nous aurons le plaisir d’entendre : Sa Béatitude le Patriarche Daniel de Roumanie ; Son Eminence le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Cité du Vatican ; M. le professeur Mehmet Görmez, président de la direction des affaires religieuses de la République de Turquie ; M. Berel Lazar, Grand Rabbin de Russie ; M. le Prélat Bernhard Felmberg, représentant plénipotentiaire du Conseil de l’Eglise protestante en Allemagne auprès de la République fédérale d'Allemagne et de l'Union européenne.
Nous devrons interrompre la liste des orateurs vers 13 heures et nous reprendrons le débat cet après-midi vers 16 heures. Il sera suivi d’un vote sur le projet de recommandation.
Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance d’hier matin, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.
Mme Brasseur, vous disposez d’un temps de parole total de treize minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs. Vous avez la parole.




(...)


LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Toshev, rapporteur pour avis de la commission des questions politiques.



M. TOSHEV (Bulgarie), rapporteur pour avis de la commission des questions politiques* – Le dialogue interculturel est au cœur même des principes du Conseil de l'Europe puisque l’Europe est une communauté interculturelle de nations indépendantes. Malgré leurs différences, les citoyens européens sont voués à partager un avenir commun. L’Europe est unie par des valeurs communes, telles que le respect mutuel, la protection des droits de l’homme, la démocratie, la tolérance et la reconnaissance des différences entre les individus. Afin de construire une véritable communauté européenne, le dialogue entre les peuples doit revêtir une dimension religieuse.
Les religions, en Europe, ont joué un rôle tout au long de son histoire, non pas seulement pour mettre en place un système de valeurs, mais aussi pour renforcer l’interaction entre les différentes cultures. C’est ce qui a permis de créer un environnement propice au multiculturalisme.
Pour certains, la religion n’est qu’une tradition, alors que pour d’autres elle constitue l’essence même de leur vie. L’intégrité, la foi, l’espérance et la justice sont indissociables pour eux.
La communauté juive bulgare a été sauvée grâce à la participation de l’église orthodoxe bulgare en 1943, au cours de l’holocauste, soit un témoignage exemplaire de la solidarité entre les religions lorsque les valeurs prennent le pas sur les clivages.
Les religions jouent un rôle important pour promouvoir nos valeurs communes et sont de ce fait indispensables aux sociétés européennes. Elles doivent prendre une part active au dialogue concernant les libertés religieuses, la citoyenneté démocratique, la lutte contre le racisme, l’intolérance et la xénophobie. Dans une société pluraliste, on attend des croyants qu’ils respectent le même principe de liberté de croyance que celui dont ils bénéficient eux-mêmes.
La commission des questions politiques a pris acte du rapport de Mme Brasseur sur la dimension religieuse du dialogue interculturel, sujet sur lequel l’Assemblée s’est d’ores et déjà prononcée. La commission des questions politiques approuve les grandes orientations du rapport mais estime que certains points mériteraient d’être mis davantage en conformité avec des dispositions précédemment adoptées.


LE PRÉSIDENT* – Les religions sont fondées sur la tolérance, la compassion et le respect de la dignité humaine. Elles jouent un rôle inestimable pour promouvoir la compréhension entre les personnes, la solidarité et la cohésion sociale. En outre, elles favorisent la promotion des valeurs fondamentales qui fondent nos sociétés et qui sont essentielles au dialogue interculturel.
Nous avons invité aujourd’hui cinq personnalités religieuses dont les positions en faveur du dialogue interculturel sont connues.
Votre Béatitude, Patriarche Daniel de Roumanie, vous avez étudié la théologie en Roumanie, en France et en Allemagne. Vous incarnez la multiculturalité et nous sommes certains que votre allocution sera passionnante.
Monseigneur Tauran, vous jouez un rôle essentiel à Rome et au sein des organisations internationales en ce qui concerne le dialogue interculturel. Votre expérience de diplomate nous sera très utile.
Monsieur le Grand Rabbin, vous êtes arrivé à la tête de la communauté juive de Russie au début des années 1990, au moment où le pays se transformait radicalement, évoluant vers la démocratie et le pluralisme. Votre expérience personnelle nous sera également très précieuse.
Professeur Görmez, vous représentez les autorités religieuses turques. La Turquie est le pays où vit le plus grand nombre de musulmans en Europe. La religion musulmane y coexiste avec bien d’autres religions et identités culturelles. Votre expérience de la gestion de cette diversité nous intéresse au plus haut point.
Enfin, monsieur le Prélat Felmberg, vous êtes non seulement un dignitaire religieux mais également un diplomate, puisque vous représentez le Conseil de l’Eglise protestante en Allemagne auprès de l’Union européenne. Vous aurez certainement beaucoup de choses à nous apprendre sur les meilleures pratiques pour gérer la dimension multireligieuse de l’Europe des 47 Etats.
Votre Béatitude, Patriarche Daniel de Roumanie, vous avez à présent la parole.



SA BÉATITUDE LE PATRIARCHE DANIEL DE ROUMANIE – Après votre élection à la présidence de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, monsieur le Président, vous avez placé le dialogue interreligieux au centre de votre mandat. C’est ainsi qu’il a été décidé de réunir à Strasbourg, lors de la session de printemps de l’Assemblée, plusieurs personnalités religieuses européennes afin qu’elles expriment leurs points de vue sur le paysage religieux de l’Europe et du monde et sur les moyens d’aboutir à une meilleure entente et reconnaissance entre les religions. Cela s’inscrit dans les travaux du Conseil de l’Europe sur la dimension religieuse du dialogue interculturel, sans doute sa dimension la plus profonde. Nous tenons à vous remercier, monsieur le Président, ainsi que toutes les personnes qui ont permis cette rencontre.
Tous les efforts du Conseil de l’Europe afin de promouvoir la réflexion commune sur la dimension religieuse du dialogue interculturel en Europe méritent notre attention et notre reconnaissance. Le Conseil de l’Europe constate aujourd’hui que la diversité culturelle est devenue source de tensions et de clivages qui brisent la cohésion sociale. Par conséquent, il faut développer une nouvelle culture du vivre ensemble en partant de l’affirmation de l’égale dignité de toutes les personnes et de l’adhésion aux principes démocratiques et aux droits de l’homme.
Il est donc nécessaire de cultiver le dialogue au niveau local et régional ainsi qu’une collaboration dynamique entre les institutions publiques, les collectivités religieuses et les groupements non religieux. La commission de la culture, de la science et de l’éducation de l’Assemblée parlementaire propose de promouvoir un partenariat pour la démocratie et les droits de l’homme entre le Conseil de l’Europe, les religions et les principales organisations humanistes.
Le projet de recommandation souligne l’importance de l’enseignement du fait religieux, qui doit devenir une opportunité de rencontre et d’écoute réciproque. Tous ces principes doivent encourager le dialogue interreligieux et interculturel.
Au fur et à mesure qu’elle se structure par le dialogue et la coopération, l’Europe prend conscience de ce qui constituait la matrice de son origine et dont on n’a pas suffisamment tenu compte dans sa construction, c’est-à-dire la dimension religieuse de sa culture. En effet, les politiques et leurs experts se sont préoccupés tour à tour des problèmes économiques, politiques, éducatifs et culturels, quelquefois militaires. Or, ces derniers temps, des tensions à caractère religieux surgissent aux portes de l’Europe entre individus ou entre communautés. Ils inquiètent par leur intensité ou leur étendue. Des événements dramatiques comme les violences contre les chrétiens en Irak, en Iran, en Egypte et ailleurs, les corans brûlés et les attentats qui s’ensuivent, imposent aux hommes politiques et aux organismes internationaux de réfléchir et de réagir afin d’éviter que de tels drames ne se reproduisent et touchent les pays européens.
Ces événements rendent encore plus urgent de trouver des solutions aux problèmes créés par l’immigration massive des populations de différentes cultures et religions en Europe, phénomène qui affaiblit la cohésion sociale dans beaucoup de pays.
Comment le migrant ou l’étranger peut-il s’intégrer dans un contexte religieux et culturel différent du sien tout en préservant son identité religieuse et culturelle d’origine ? Comment éviter en même temps l’isolement crispé et la dissolution de son identité ? Il est nécessaire de développer une culture du vivre ensemble qui permette d’éviter la transformation de la diversité en adversité, et de confondre l’identité avec l’isolement. Une éducation ouverte sur les autres est nécessaire dans la famille, dans l’école mais aussi dans la communauté religieuse ou confessionnelle qu’on fréquente, car l’éducation scolaire soutenue et contrôlée par l’Etat national n’est plus suffisante. À ce sujet, l’expérience de la diaspora orthodoxe roumaine en Italie, où vivent environ un million de Roumains, et en Espagne, où vivent aussi presque un million de Roumains, est assez encourageante. Dans un grand nombre de paroisses, la catéchèse et la transmission de la foi à la minorité roumaine se font dans un esprit œcuménique d’ouverture sur la culture de la majorité catholique italienne ou espagnole.
Cette approche en même temps pastorale et œcuménique permet une intégration sociale sans dissolution de l’identité religieuse et culturelle. Cependant, l’éducation et la formation permanentes pour une cohabitation pacifique ont besoin d’un mûrissement spirituel où la liberté individuelle ou collective est aussi unie à la responsabilité et à la solidarité sociale, de même que l’affirmation de ses propres valeurs spirituelles et culturelles ne se fait pas contre les personnes et les communautés différentes, mais avec les autres. Les pays où les différentes religions cohabitent sur le même territoire depuis des siècles en ont une profonde et riche expérience, car ils ont mieux appris comment éviter ou surmonter les conflits religieux et ethniques.
Dans cet esprit, les patriarcats orthodoxes du Moyen-Orient, de Constantinople, de la Russie et d’autres pays ont pris l’initiative de promouvoir le dialogue interreligieux au niveau des chefs des cultes et des experts dans ce domaine, pour donner des signes positifs en vue d’une éducation pour la cohabitation pacifique et la cohésion sociale. Sa Sainteté le Patriarche œcuménique Bartholomée de Constantinople y a beaucoup contribué par ses efforts. Cependant, le dialogue interreligieux au niveau national et international entre les représentants de différentes religions doit être complété par une éducation et une formation permanentes favorables au dialogue interreligieux dans les écoles publiques, dans les écoles théologiques des confessions et des religions, ainsi que dans les communautés liturgiques, afin que le dialogue ne se réalise pas par une simple directive ou recommandation venue de l’extérieur, mais qu’il devienne un état d’esprit et une pratique habituelle, pour le bien commun des cultes religieux et de la société.
Dans cette perspective, le 14 avril, par l’initiative du patriarcat roumain, aura lieu à Bucarest une rencontre des chefs de dix-huit cultes officiellement reconnus en Roumanie, afin de créer un conseil consultatif des cultes religieux dont le but n’est pas seulement d’éviter des conflits entre les différentes religions et confessions, mais aussi d’encourager le dialogue et la coopération pour le bien commun de la société roumaine, confrontée à la crise économique, à la migration et à d’autres problèmes sociaux. Ce dialogue est possible aussi parce que, depuis des décennies, dans nos écoles de théologie orthodoxe de Roumanie, on enseigne l’histoire des religions et l’œcuménisme, sans avoir peur de perdre l’identité orthodoxe à travers le dialogue et la coopération avec les autres cultes au niveau national ou international.
En même temps, par le dialogue interreligieux, nous devons apprendre comment faire face à des problèmes nouveaux de la société, comme la liberté dépourvue de responsabilité, la sécularisation ou la crise de la famille par exemple. En ce sens, la liberté religieuse doit s’affirmer aussi dans la coresponsabilité sociale et la coopération œcuménique en faveur de la dignité humaine et du bien commun. À ce sujet, il ne suffit pas d’affirmer théologiquement la dignité de la personne humaine créée à l’image de Dieu le créateur du ciel et de la terre, car il faut aussi la défendre dans des contextes de violence, d’oppression, de pauvreté, d’injustice, d’humiliation et de marginalisation.
Pour défendre en tout temps et en tout lieu la dignité humaine, les droits de l’homme, la liberté d’expression, la démocratie, l’Etat de droit et d’autres valeurs qui constituent la plate-forme du dialogue aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir de fortes convictions et de cultiver une spiritualité profonde, semblable à celle des prophètes de la Bible, à celle des pères de l’Eglise indivise ou à celle des grands combattants pour la justice dans la société humaine. Les valeurs qu’on cultive dans la société sécularisée actuelle visent d’une manière exclusive la réalité terrestre, la vie de l’homme dans sa relation avec l’Etat et avec ses concitoyens, alors que la foi religieuse voit l’homme d’abord dans sa relation avec le dieu créateur du ciel et de la terre, car la création ou la nature est un don de Dieu à l’humanité pour être connu, cultivé et devenir moyen de communion entre les personnes, les nations et les générations à venir.
Entre le culte religieux et la culture humaine, il y a un lien très profond. Le culte signifie « cultiver la relation de l’homme ou de la communauté humaine avec le créateur divin », alors que la culture signifie « cultiver la relation de l’homme avec la création de Dieu ». Par conséquent, dans l’histoire de la majorité des peuples, le culte était la base ou la source de la culture nationale. La Bible ou les livres de culte ont beaucoup contribué à la formation de la culture nationale ou régionale, culture de la reconnaissance et de la responsabilité, car, sans la terre, l’eau, l’air et la lumière créés par Dieu, l’homme ne peut pas vivre. Toute crise écologique, économique ou sociale nous appelle donc à la responsabilité, à corriger des erreurs et à réviser notre relation avec Dieu, la société et la nature. Les problèmes communs nous appellent à une réflexion commune et à une action commune pour le bien commun.
En dépit des différences de religion et de culture, d’approche et de motivation devant la souffrance et l’humiliation de la dignité humaine, les Eglises, les religions, les Etats, les organisations internationales et les individus ont de plus en plus une responsabilité commune pour la vie humaine et pour la protection de la nature et de l’environnement. Par conséquent, notre liberté spirituelle authentique se mesure à l’intensité de notre charité ou solidarité à l’égard des personnes et des peuples qui se trouvent en difficulté.
En guise de conclusion, nous voulons proposer cinq repères pour le dialogue interreligieux et interculturel.
Premier repère : la dimension religieuse du dialogue culturel est fondamentale pour l’Europe, car la religion a été la matrice majeure de son identité. C’est pour cette raison que toute crise profonde de l’Europe a toujours été plutôt une crise d’identité spirituelle qu’une crise d’identité culturelle. C’est le communisme athée qui, prétendant être le système politique le plus « scientifique » et le plus progressiste, même « l’avenir lumineux de toutes les nations » comme on disait alors, a livré le plus acharné combat contre l’identité spirituelle de l’Europe. Après sa chute, les peuples libérés ont tout d’abord éprouvé dans leurs vies cette vérité fondamentale : la liberté est un grand don de Dieu et la religion authentique porte en elle les germes de la résurrection en tant que victoire de la vérité sur le mensonge et de la vie sur les ténèbres de la mort spirituelle et physique.
Deuxième repère : les valeurs proposées par le Conseil de l’Europe en tant que plate-forme du dialogue interreligieux, c’est-à-dire la dignité humaine, les droits de l’homme, la démocratie, l’Etat de droit, la liberté d’expression et d’autres, sont, à l’origine, des valeurs européennes dérivées de la tradition judéo-chrétienne, ensuite séparées d’elle pour être perçues comme des valeurs universelles. Du point de vue religieux, il faut donner à ces valeurs une profonde motivation théologique pour qu’elles soient cultivées dans la vie d’une société où la foi joue un rôle important. Ainsi la dignité humaine a une valeur infinie et éternelle parce que l’homme a été créé à l’image de Dieu infini et éternel, pour une existence éternelle, et que Dieu est l’ami et l’avocat de l’humanité.
Troisième repère : l’éducation et la formation permanente peuvent jouer un grand rôle dans le développement du dialogue interreligieux, avec l’enseignement du fait religieux et une ouverture sur les autres religions qui n’implique pas de perdre sa propre identité. La famille, l’école, la communauté ecclésiale ou religieuse et les médias peuvent y contribuer grandement, surtout si l’Etat national offre des conditions favorables au dialogue interreligieux et interculturel.
Quatrième repère : le dialogue interreligieux et interculturel ne peut pas devenir une idéologie politique imposée. Il peut plutôt proposer à la société une sagesse de vie, un état d’esprit et une culture du vivre ensemble dans le respect réciproque de la dignité humaine, par l’union de la vie spirituelle avec l’action sociale.
Cinquième repère : le dialogue interreligieux et interculturel appelle Etats et religions à la coresponsabilité et à la coopération pour le bien commun de tous les pays de l’Europe et de leurs relations avec les autres continents.
Une nouvelle culture du vivre ensemble doit plutôt être une culture de saines relations humaines. Son succès dépendra principalement de sa spiritualité non objectivable, qui est don de Dieu, reçu et cultivé par les êtres humains dans leur relation à Dieu et au monde.

LE PRÉSIDENT* – Je vous remercie beaucoup, Votre Béatitude, pour cette allocution tout à fait passionnante.
Je donne à présent la parole à Son Eminence le Cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, de la Cité du Vatican.



S.E. LE CARDINAL JEAN-LOUIS TAURAN, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Cité du Vatican – Monsieur le Président, Béatitude, Excellences, mesdames et messieurs, l’Eglise catholique et la culture sont de vieux compagnons de route. Jésus en s’incarnant a assumé toutes les dimensions de la personne humaine, y compris la dimension culturelle. Dans sa constitution Gaudium et Spes, le Concile Vatican II définit la culture en ces termes : « le mot « culture » désigne tout ce par quoi l’homme anime et développe toutes les multiples capacités de son esprit et de son corps ; s’efforce de soumettre l’univers par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l’ensemble de la vie civile, grâce au progrès des mœurs et des institutions ; traduit, communique […] enfin dans ses œuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l’homme, afin qu’elles servent au progrès d’un grand nombre et même de tout le genre humain ».
Effectivement, les croyants ont une manière de se servir des choses, de travailler, de s’exprimer, de pratiquer leur religion et d’enrichir les sciences et les arts qui apporte à la communauté humaine toute entière une réponse aux grandes interrogations qui tourmentent l’homme de toujours, celles qu’Emmanuel Kant formulait ainsi : « Que puis-je connaître, que dois-je faire, que puis-je espérer ? »
Le pape Jean-Paul II, lors de sa visite à l’université de Coïmbra, au Portugal, au mois de mai 1982, observait : « Dans le passé, quand on cherchait à définir l’homme, on faisait presque toujours référence à la raison ou à la liberté ou au langage. Les récents progrès de l’anthropologie culturelle et philosophique montrent que l’on peut obtenir une définition non moins précise de la réalité humaine, en se référant à la culture. Celle-ci caractérise l’homme et le distingue des autres êtres, non moins clairement, par la raison, la liberté et le langage. » Lors de sa visite à l’Unesco, le 2 juin 1980, le même pape n’hésitait pas à conclure ainsi son discours : « Oui, l’avenir de l’homme dépend de la culture ! »
En ce début de millénaire où la transmission des valeurs est si difficile à réaliser, les tâches de la foi chrétienne dans la culture paraissent plus que jamais évidentes. Il ne s’agit pas de dicter aux hommes ce qu’ils ont à faire, il s’agit de leur rappeler qu’ils sont les gérants des ressources matérielles et morales de ce monde pour le bénéfice de tous, et que s’impose donc à eux le devoir de les entretenir et de les cultiver pour les générations futures.
Il leur appartient aussi de faire en sorte que leurs contemporains ne soient jamais privés des sources de lumière ou des propositions de sens capables de les éclairer et de les soutenir face aux expérimentations sur l’humain, à l’avortement, à l’euthanasie, à la banalisation de la sexualité, à la dictature du paraître. Oui, les chrétiens ont à se faire complices de tout ce qui, dans la culture, va encore, va toujours, va déjà dans le sens de l’humain et de l’humanisation. C’est aussi cela aimer ses frères en humanité. Enfin, ils ont à témoigner de la singularité chrétienne, à avoir le courage de la différence.
Tous ensemble les croyants auront à cœur de sensibiliser les législateurs comme les enseignants à l’opportunité de toujours respecter la personne qui recherche la vérité face à l’énigme de sa condition, d’éduquer au sens critique qui permet de choisir entre le vrai et le faux, d’apprécier et de diffuser les grandes traditions culturelles ouvertes à la transcendance qui expriment si bien notre aspiration à la liberté et à la vérité.
De même il est important, en particulier, que les jeunes soient égaux dans le dialogue interculturel et interreligieux : ils doivent avoir la même possibilité d’accéder à la connaissance de leur propre religion et de pouvoir connaître la religion des autres. Ayons toujours la préoccupation de les informer sur les autres manières de penser et de croire et ainsi de dissiper les peurs. Nous nous enrichirons des manières de penser des uns et des autres, en partageant le meilleur de nos traditions spirituelles. Il s’agit non pas de faire des concessions à la vérité, mais de connaître l’autre, de l’écouter, de repérer ce que nous avons en commun et de mettre ce savoir faire – ce savoir vivre – à la disposition de tous.
Il y a, vous le savez mieux que quiconque dans cette enceinte, un humanisme européen d’origine chrétienne. Certes, on ne doit pas sous-estimer la présence des juifs, l’apport de la philosophie arabe, les questionnements des Lumières, mais c’est le christianisme qui est à l’origine de grandes institutions européennes : l’école, l’université, les hôpitaux… Cet humanisme européen a pu rendre possible, le débat entre la raison et la foi, cet humanisme ouvert à la transcendance qui, encore aujourd’hui, malgré le sécularisme et le relativisme ambiants, permet aux chrétiens et aux croyants en général, de rappeler la priorité de l’éthique sur les idéologies du moment, le primat de la personne sur les choses, la supériorité de l’esprit sur la matière.
Me vient à la mémoire ce que Paul Valéry observait dans une conférence qu’il donna à l’université de Zurich à la fin de l’année 1922 : « Il y a l’Europe, là où les influences de Rome sur l’administration, de la Grèce sur la pensée, du Christianisme sur la vie intérieure, se font sentir toutes les trois ».
En Europe, aucune religion ne peut prétendre s’imposer par la ruse ou la force. En Europe on dialogue. En Europe, la religion non seulement s’hérite, mais de plus en plus se choisit. Parce que les religions sont aussi des cultures, l’Europe demeure encore aujourd’hui un creuset du vivre ensemble dont Strasbourg est le laboratoire et le symbole.
Voila pourquoi il est opportun que ne manquent jamais ces espaces d’écoute et de partage, comme celui qui nous rassemble ce matin. Ils nous permettent de connaître le vrai visage des religions. Je souhaite que le Conseil de l’Europe ait toujours le courage de prendre les décisions concrètes nécessaires pour promouvoir et, si besoin, défendre la liberté de religion, pour dénoncer toute forme de persécution, de violence et de discrimination pour des motifs religieux, aussi bien en Europe que dans le monde.
Comme croyants, un immense chantier nous attend. Il s’offre à nous pour travailler ensemble, dans le cadre du dialogue œcuménique, du dialogue interreligieux, comme avec tous ceux qui cheminent vers l’absolu. Faisons en sorte que jamais, plus jamais, le nom de Dieu ne soit invoqué pour justifier discriminations et violences.
Je laisserai le soin de conclure mon propos au cardinal Joseph Ratzinger. Dans son discours de réception à l’Académie des sciences morales et politiques de l’Institut de France, le 6 novembre 1992, le futur pape affirmait : « Il n’appartient pas à l’Eglise d’être un Etat ou une partie de l’Etat, mais d’être une communauté basée sur des convictions… Il lui faut, avec la liberté qui lui est propre, s’adresser à la liberté de tous, de façon que les forces morales de l’Histoire restent les forces du présent et que ressurgissent toujours neuve cette évidence des valeurs sans laquelle la liberté commune n’est pas possible. » Comment pourrais-je mieux finir ?

LE PRÉSIDENT* – Je vous remercie, Votre Eminence, pour votre intervention.
Je salue le professeur Mehmet Görmez, président de la direction des affaires religieuses de la République de Turquie et je lui donne la parole.

M. MEHMET GÖRMEZ président de la direction des affaires religieuses de la République de Turquie* — Monsieur le Président, Excellences, dignitaires religieux, mesdames, messieurs, je commencerai en vous saluant. C’est un honneur pour moi d’être ici et d’avoir la possibilité de participer à ce dialogue interculturel dont nous avons besoin pour un avenir plus pacifique.
Je remercie Dieu, le tout puissant, qui nous a guidés vers la justice, la compassion et qui nous a donné la possibilité de vivre ensemble dans la paix. C’est lui qui nous a enseigné la fraternité, la paix, la justice, l’honnêteté, la patience, le courage et le pardon. Je bénis tous les prophètes : Abraham, Moïse, Jésus et Mahomet.
Nous avons hérité de ces dignitaires, les valeurs telles que l’amour, la justice et l’ordre. Nous avons appris que cette partie de la sagesse est commune à toutes nos cultures et religions.
Chers amis, comme vous le savez, pour reconnaître la contribution de la religion et des institutions religieuses au dialogue interculturel et au renforcement de la multiculturalité, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté un livre blanc qui nous invite à vivre tous dans la dignité. Devant ce document, je suis heureux et plein d’espoir. Il montre qu’il existe des échanges de points de vue entre cinq grandes traditions religieuses. Cela va contribuer à façonner le continent européen et le monde.
Il est très important que ce rapport arrive précisément à un moment où bon nombre d’hommes politiques déclarent que la multiculturalité a été un échec. Il ne faut pas oublier que les problèmes que nous connaissons actuellement dans l’Union européenne et les défis que rencontre ce dialogue ne sont pas liés uniquement à la religion. Le politique a aussi son rôle à jouer. Il doit aller au-delà de ses limites. C’est un fait qu’on ne peut oublier. Lorsque les hommes politiques seront décidés à inaugurer un véritable dialogue interculturel, il pourra y avoir une contribution de la société.
La crise que l’humanité connaît n’est pas simplement économique, politique et culturelle. Elle a également une dimension métaphysique. On ne connaît pas suffisamment les religions. Il existe des abus. On ne reconnaît pas cet aspect de la crise.
N’oublions pas que la religion s’adresse directement à la conscience de l’individu et le prépare à agir sincèrement, avec compassion et à se tourner vers autrui. Grâce à cette préparation, la religion façonne les âmes pour l’ouverture à la diversité.
Les religions ont une approche différente de la diversité culturelle, mais elles peuvent significativement contribuer à l'ouverture dans notre société. Permettez-moi de dire que l’islam loue cette diversité, qui figure au cœur de ses valeurs. Les institutions ne sont pas seules à avoir le pouvoir religieux ; cela relève du libre choix des communautés. C’est dans ce cadre que s’inscrit la diversité, telle qu’on l’a connue dans l’histoire. Cet enseignement peut encore nous guider aujourd’hui pour vivre ensemble.
Tous les prophètes, d’Adam à Mahomet, rappellent l’importance de la vie, à l’inverse du nihilisme, du fatalisme et du pessimisme. C’est un appel à l’humilité contre l’arrogance, un appel à la justice pour lutter contre l’exploitation et l’oppression, à vivre ensemble dans la dignité, à lutter contre la discrimination et les inégalités, à partager et non à opposer les personnes, à favoriser la vie de famille. C’est aussi le message des dix commandements de Moïse, du sermon sur la montagne de Jésus et celui de Mahomet. Le même message est toujours martelé.
Vivre ensemble et égaux dans la dignité est précisément le message essentiel de l’islam. Ce message, nous l’avons porté durant des siècles, moyennant quoi la civilisation musulmane a vu fleurir des sociétés multiculturelles et multireligieuses, bien plus que d’autres qui ne partageaient pas ces signes de diversité.
Aujourd’hui, les musulmans doivent se souvenir de cet enseignement pour l’introduire dans leur vie face à la confusion imposée par la modernité. Si l’on fait état d’un seul patrimoine culturel européen, comme c’est le cas dans de nombreux documents de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, alors, il faut reconnaître la contribution significative de l’islam. Une façon de le reconnaître est de se libérer de la vision qui ignore la participation de l’islam. On parle de la Grèce antique ou du Moyen Age mais on oublie l’islam. Pour bénéficier de l’apport de la religion au dialogue interculturel, il faut avoir une vision multiculturelle, laquelle ne sera pas concrétisée par des interventions externes pour façonner les systèmes religieux. Au contraire, les individus et les groupes doivent pouvoir choisir librement, s’exprimer conformément à leurs dynamiques internes. Il n’y a pas d’autre façon de déterminer cette participation active à la société.
Lorsqu’on voit comment l’islam ou d’autres religions sont présentées, on se pose les questions suivantes. Avec un cœur sincère, qui peut accepter que l’on caricature ou que l’on moque sa religion ? Suffit-il d’en condamner les auteurs ? Peut-on accepter que cela soit exploité pour inciter à la haine et à la terreur ? Messieurs les parlementaires, c’est le devoir moral des dignitaires religieux comme des responsables politiques de ne pas sacrifier l’Europe civilisée et de s’opposer à ce discours hégémonique.
Il faut donc poursuivre notre mission, développer les sociétés pour que nous vivions mieux ensemble. Dans cet espoir, je me tourne vers Dieu pour qu’il nous bénisse afin que nous puissions vivre ensemble dans la dignité. Je souhaite plein succès à vos travaux pour promouvoir ces valeurs fondamentales.

LE PRÉSIDENT* – Je vous remercie, professeur Görmez, pour votre intervention.
J’ai le plaisir d’accueillir le Grand Rabbin Berel Lazar, Grand Rabbin de Russie, auquel je donne la parole.

M. BEREL LAZAR, Grand Rabbin de Russie* – Monsieur le Président, nous vous sommes reconnaissants de nous permettre d’exposer nos idées concernant la situation en Europe, les problèmes qui se posent et la façon dont les responsables religieux peuvent contribuer à les résoudre. Vous savez mieux que d’autres que l’Europe unie n’est pas seulement une scène politique et une arène économique, mais qu’elle est aussi un enjeu de compréhension intellectuelle et religieuse. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à une Europe unie composée de peuples vivant dans l’harmonie et la paix.
On dit souvent que le multiculturalisme a échoué en Europe. Après avoir passé toute ma vie en Europe, je puis dire que si cela a échoué, l’Europe a échoué, car la grandeur et le fondement de l’Europe ont toujours été la compréhension mutuelle, l’ouverture du dialogue en dépit de toutes les différences séparant les peuples en matière linguistique, culturelle et de tradition.
Je félicite le Secrétaire Général, M. Jagland, d’avoir adressé hier à l’Europe tout entière un message dans lequel nous devons nous retrouver. Nous sommes tous sur le même bateau. Si quelqu’un perce un trou, aussi petit soit-il, l’embarcation sombrera. Personne ne souhaite accuser qui que ce soit et désigner l’auteur des difficultés. Certains disent que l’extrémisme religieux est la source de la violence ; d’autres reprochent à certaines forces d’empêcher la religion de s’exprimer, générant ressentiment et frustration. Hier encore, en France, une femme revêtue du niqab a provoqué une vive tension à la suite de l’interdiction du port du voile. Pourquoi vouloir nous forcer à vivre contre nos croyances ?
D’autres disent que nous devons vivre dans la liberté et l’égalité, nous respecter les uns, les autres. Cela me rappelle une histoire. Un jeune couple vient trouver un rabbin. Le mari dit : « Ma femme fait ceci et cela ». Le rabbin lui répond : « Vous avez tout à fait raison ». Puis la femme prend la parole : « Mon mari fait ceci et cela, c’est insupportable ». Le rabbin répond : « Vous avez parfaitement raison ». La femme du rabbin intervient alors en ces termes : « Mon cher mari, comment pouvez-vous considérer que le mari et la femme ont tous les deux raison ? ». Le rabbin lui dit : « Eh bien, toi aussi, tu as raison ».
J’ai donc à la fois de bonnes et de mauvaises nouvelles pour nous tous. Voilà 2 000 ans de cela, le Talmud observait déjà qu’il n’existait pas deux personnes identiques au monde. Dans le même temps, certains affirmaient le contraire en disant que toutes les créatures ont été créées pour se multiplier, que seuls Adam et Eve étaient uniques.
Pourquoi Dieu n’a-t-il créé qu’Adam et Eve ? Tout simplement pour que personne ne puisse dire que son grand-père ou sa grand-mère étaient meilleurs que les autres. Il s’agit là d’un enseignement intéressant pour nous tous : quelles que soient nos différences, nous faisons partie de la même famille, nous venons tous d’Adam et Eve.
Certains débats du Conseil de l'Europe sont relatifs à la nécessité d’apporter la paix dans le monde. Si nous étions tous d’accord et tous identiques, tout le monde vivrait dans la paix et l’harmonie et ce serait en fait une vie très monotone. Notre raison d’être est d’apporter la paix en dépit de nos différences, de nos divisions, car nous vivons sur un même continent, l’Europe. Nous devons donc absolument trouver le moyen de nous comprendre.
J’ai pu constater que, quelles que soient les personnes que nous rencontrons, il n’existe que deux écoles de pensée. La première regroupe des personnes qui affirment que la façon dont ils vivent est la bonne et que si des émigrants veulent vivre dans leur pays, ils devront accepter leur vérité et leurs règles. Cette idéologie a amené sur ce continent l’holocauste et la mort de dizaines de millions de personnes qui ont été tuées parce qu’elles ne la respectaient pas ; on ne pensait pas qu’il était possible de vivre dans la même maison en ayant des avis différents, des croyances différentes.
Pour la seconde école, il faut vivre et laisser vivre, faire ce que l’on veut et laisser son voisin mener la vie qu’il souhaite, sans porter de jugement.
Ces deux écoles sont dangereuses. Il nous faut trouver une voie intermédiaire qui nous permette de vivre ensemble une vie meilleure.
La Torah et la Bible nous disent que le prosélytisme n’est pas la bonne voie ; chacune a sa propre croyance, toutes les rivières vont à la mer, chacun à sa pierre à apporter à l’édifice. Dieu a voulu ces différences ; c’est ainsi qu’il nous a créés.
Cependant lorsque Dieu a donné la Torah au peuple juif, il a dit qu’il fallait diffuser les différents messages adressés à Adam, à ses enfants, à Abraham, à nos ancêtres, à tous les peuples du monde. On ne peut pas simplement s’occuper de sa congrégation ; si je m’intéresse à ce monde créé par Dieu, il faut veiller à ce que chacun d’entre nous comprenne qu’il est important de vivre ensemble, que des valeurs morales doivent nous unir.
Il est remarquable que tous les dirigeants religieux soient aujourd’hui réunis dans l’harmonie mais cela n’est pas suffisant. Nous nous respectons et nous nous aimons, mais nous devons aussi travailler et agir ensemble. Alors que pouvons-nous faire ?
Le vendredi 15 avril, nous allons célébrer les 110 ans du rabbi Loubavitch qui enseignait des idées magnifiques, dont je me demande pourquoi elles n’ont pas été mises à profit pour nous aider. Il avait en effet suggéré que, dès la petite enfance, dans chaque classe, il convenait de commencer la journée par un moment de silence. De la même façon que nous nous sommes levés tout à l’heure à la mémoire des victimes du dernier attentat, songeant à nos responsabilités vis-à-vis de Dieu pour faire un monde meilleur, si tous les enfants commençaient leur journée par un moment de silence, en pensant à leur famille, leurs proches et à la responsabilité qui leur incombe de faire de ce monde un monde meilleur pour nous tous, nous parviendrions à une vie meilleure.
En Russie, quand nous avons pu enfin pratiquer notre religion, il y a vingt ans, nous avons subi beaucoup de méfiance à notre égard. Aujourd’hui, les différents dirigeants religieux de Russie se respectent, l’antisémitisme est même, de façon surprenante, à son niveau le plus bas d’abord, parce qu’il existe une coopération entre dirigeants religieux ; ensuite parce que le Gouvernement commence à interférer dans les affaires religieuses afin de veiller à ce qu’aucune autorité religieuse ne propage des idées de haine et de violence ; enfin parce que les communautés religieuses de Russie s’ouvrent : nos temples, synagogues, mosquées et églises sont ouverts à tous.
C’est ainsi que nous irons vers un avenir plus radieux où chacun, en Europe, pourra vivre dans la paix, l’amour et l’harmonie.

LE PRÉSIDENT* – Je vous remercie, monsieur le Grand Rabbin, pour votre allocution très stimulante.
J’ai le plaisir d’accueillir le Prélat Bernhard Felmberg, représentant plénipotentiaire du Conseil de l’Eglise protestante d’Allemagne auprès de la République fédérale d’Allemagne et de l’Union européenne.

PRÉLAT BERNHARD FELMBERG, représentant plénipotentiaire du Conseil de l’Eglise protestante d’Allemagne* – Mesdames, messieurs les parlementaires, mes frères, mesdames, messieurs, la religion a été et continue d’être un fil d’or dans le tissu de nos sociétés. Les religions ont en général apporté une contribution positive mais parfois, hélas ! elle fut négative. En tant que responsables politiques ou en tant qu’hommes d’église, nous avons le devoir d’œuvrer en faveur du renforcement de ce qui est bon et d’empêcher ce qui est mauvais.
Les sociétés européennes sont de plus en plus ouvertes et pluralistes, et les occasions se multiplient de rencontres entre les différentes religions, même si certaines sont encore considérées comme exotiques. Plus une religion est jeune, plus elle semble liée à une culture étrangère et moins la coopération, voire le dialogue sont aisés. Une dimension religieuse s’attache au dialogue interculturel, mais également une dimension culturelle au dialogue interreligieux.
J’aborderai quatre sujets : la religion est un aspect parmi d’autres de la personnalité de l’homme, mais peut constituer une part très forte de cette personnalité ; depuis des siècles, l’Europe est marquée non seulement par le pluralisme religieux, mais aussi par la diversité des systèmes juridiques qui régissent les relations entre les religions et les Etats ; la vie des Eglises, des communautés religieuses dépend non seulement de la garantie du droit fondamental qu’est la liberté de religion, mais aussi de la défense de sa dimension individuelle et collective ; les Eglises, les religions apportent une contribution précieuse aux sociétés par leur engagement social, voire sociétal, et en promouvant une culture de compréhension mutuelle.
Je vais développer ces quatre points.
La religion fait partie de l’identité : je suis protestant, mais aussi Allemand ou Européen ; je suis au surplus supporter d’un club de football. Les personnalités sont riches de plusieurs facettes.
À Berlin, on appelait les membres de la principale minorité « les Turcs ». Après le 11 septembre, nous les avons appelés « des musulmans ». Choisir une appellation appelle à la prudence et nécessite de se demander si le terme retenu est pertinent au vu du contexte, car les discriminations sont souvent fonction du choix des termes utilisés. La religion est importante, mais elle ne forme pas l’ensemble de la personnalité d’un individu, pas même d’un homme d’église. Nous avons tout intérêt à porter l’accent sur ce qui nous unit plutôt que sur ce qui nous sépare. Pour autant, ne nions pas la diversité et le pluralisme. « Unis dans la diversité » n’est-elle pas la devise de l’Union européenne ? C’est notre force et cela vaut particulièrement s’agissant des religions et des systèmes juridiques qui régissent les relations de l’Eglise et de l’Etat.
Ce propos est aujourd’hui dûment accepté par le droit européen. L’article 21 de la Charte des droits fondamentaux reconnaît ainsi la diversité culturelle, religieuse et linguistique de l’Europe. L’article 17 du Traité de Lisbonne restreint les compétences de l’Union et reconnaît les spécificités nationales. Récemment, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a révisé une décision de première instance relative aux symboles religieux, en l’occurrence des crucifix dans les écoles publiques italiennes, mettant en lumière la marge discrétionnaire des Etats. J’appuie un tel jugement, car nous devons vivre dans des sociétés ouvertes aux religions et non promouvoir la défiance et l’interdit. En Italie, les élèves peuvent porter le foulard islamique ou la kippa juive, les protestants construire des temples et professer librement leur foi. Le fait qu’une Eglise qui réunit la majorité soit plus visible que d’autres ne constitue pas en soi une discrimination. Le pluralisme doit être respecté. Nous devons faire la part des droits des majorités comme des minorités, à la lumière des réalités. C’est ainsi que les minorités doivent pouvoir être vues et entendues.
Bien avant de défendre les droits politiques, les gens ont lutté pour la liberté de croire ou de ne pas croire, car la religion se situe au centre de l’existence de tout être humain. En effet, la religion interprète le monde, ses origines, son avenir ; elle explique le pourquoi de la vie, de la mort, de la souffrance, de l’espoir. Elle nous enseigne également à accepter nos devoirs et nos responsabilités qui transcendent l’intérêt individuel. L’Etat n’a pas plus noble mission que de protéger ces droits. Toutefois, au cours des siècles, on a eu tendance à opter pour une religion et à la défendre au détriment des autres et contre l’hérésie. C’était la solution de facilité, qui n’est, en général, pas la meilleure. L’Etat a des devoirs envers la religion, mais non une religion particulière. L’Etat ne peut non plus ignorer les réalités fondamentales et se doit d’être neutre à l’égard « des » religions. C’est ce que nous appelons la neutralité bienveillante de l’Etat. Il doit promouvoir le dialogue et en tirer ce qu’il y a de positif, de pacifique et de profitable.
De par leur engagement dans la société et en favorisant la compréhension mutuelle, les religions doivent apporter leur contribution, car elles ont des devoirs envers l’Etat et la société. L’Evangile des juifs nous dit que le peuple de Dieu est appelé à rechercher la paix, la prospérité de la cité, même en exil. C’est encore plus vrai dans une société libre.
Nous nous engageons sur le plan social en faveur des pauvres et des nécessiteux, de la veuve et de l’orphelin, de l’étranger et de l’exilé, mais, ce faisant, il nous appartient de faire évoluer les conditions qui autorisent que certains soient pauvres ou exclus, victimes de l’injustice ou de discriminations.
Le partenariat doit être ouvert. L’article 17 du Traité du Lisbonne établit un dialogue régulier, transparent et ouvert entre l’Union européenne et les églises, les religions et les communautés non confessionnelles.
Il faut qu’il y ait un véritable dialogue interreligieux, mais ce n’est pas seulement la tâche des Eglises. Ce dialogue avec les entités publiques est l’occasion d’un échange, d’une coopération. En fait, il y a de nombreux fora de dialogue très différents. Ainsi, nous avons des contacts avec l’Union européenne, le G8, les Parlements du monde et l’Alliance des civilisations. Pour que ces dialogues aboutissent, nous devons concentrer nos forces plutôt que les éparpiller en différentes enceintes.
Les religions méritent une place centrale dans nos sociétés, mesdames et messieurs, monsieur le Président. Ma propre Eglise, l’Eglise protestante allemande, compte 25 millions de fidèles et emploie un demi-million de personnes, essentiellement dans le domaine social. Grâce aux recettes fiscales dont elle bénéficie, elle peut investir 800 millions d’euros dans les bonnes œuvres. En outre, elle obtient des dons de ses membres, ce qui porte les sommes gérées à plus d’un milliard.
Nous fournissons 600 000 places d’accueil de jour, dans des crèches, des foyers, des hospices, touchant ainsi toutes les générations, des plus jeunes aux plus âgés. Plus de 150 000 jeunes participent à nos groupes de jeunes et, souvent, notre action se fait au bénéfice de membres d’autres confessions, notamment dans le cadre des projets d’intégration, de conseil aux demandeurs d’asile ou encore d’assistance juridique aux réfugiés. À Berlin, nous allons même jusqu’à engager des musulmans au sein d’une église chrétienne pour que ceux-ci nous aident à secourir ceux que nous aidons. Nous consacrons également des dizaines de milliers d’euros à l’aide au développement.
J’ai longuement parlé de mon Eglise. L’action de l’Eglise catholique est du même ordre. Les juifs ont également des œuvres sociales très importantes, même si les sommes sont peut-être un peu moindres en Europe. Il faut maintenant que les autres confessions s’engagent également ; j’en appelle en particulier aux communautés musulmanes pour qu’elles créent des structures identiques aux nôtres pour l’action sociale, et soient ainsi plus visibles au sein de nos sociétés.
Cela m’amène au dernier point : la dimension interreligieuse.
Nous devons encourager la tolérance et le respect à tous les niveaux. En Allemagne, les protestants, les catholiques et les orthodoxes organisent chaque année une semaine interculturelle soutenue par les syndicats, des conseils municipaux, des organisations de migrants et des acteurs de la société civile. C’est un exemple parmi d’autres de ce qui est possible lorsque l'on veut travailler ensemble.
Les chemins de la coopération sont, il est vrai, parsemés d’embûches. Les religions n’ont pas toutes la même conception de la société et de la place de l’individu, outre les différences doctrinaires. J’ai déjà dit qu’il n’y avait pas seulement une dimension religieuse au dialogue interculturel mais aussi une dimension culturelle au dialogue interreligieux. Le dialogue au sens premier du mot, c’est l’échange, l’existence d’échanges qui aient un sens. Evidemment, si le clergé ou les représentants religieux ne parlent pas ou parlent mal la langue du pays, cela pose des problèmes. Le dialogue, c’est bien, encore faut-il que toutes les parties établissent les conditions nécessaires au dialogue.
En résumé, les religions font partie de notre identité individuelle et collective. L’Etat doit défendre la liberté religieuse de manière à ce que toutes les religions puissent être librement pratiquées. Dans la plupart des cas, cela signifie que les religions pourront apporter une contribution positive à nos sociétés dans leur ensemble, par le biais tant de leur engagement volontaire, bénévole, que par le dialogue.
J’espère que vous accepterez nos contributions et que tout le monde se mobilisera pour apporter cette contribution particulière.

LE PRÉSIDENT* – Merci infiniment, monsieur le Prélat Felmberg de cet exposé fort intéressant.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l'homme au titre de la Norvège et de la Suisse est en cours. À 13 heures, je suspendrai le scrutin qui reprendra à 15 heures. Il sera clos à 17 heures.
J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Leigh, au nom du Groupe démocrate européen.

M. LEIGH (Royaume-Uni)* – Monsieur le Président, je pense me faire le porte-parole de tous nos collègues en disant combien, jusqu’à présent, ce débat est source d’inspiration. Il nous rappelle aux grandes valeurs de la religion. Je suis certain que rien de ce que nous avons entendu aujourd’hui ne pourrait susciter le moindre désaccord, pas plus d’ailleurs que rien de ce qui figure dans ce rapport.
Pour commencer mon propos, je veux souligner que, actuellement, le principal problème en Europe ne tient pas à la diversité des religions ni aux avis fermement tenus par les uns ou les autres, mais bien plutôt à l’indifférence qui se propage au sein de la population.
L’autre problème que l’on peut détecter dans la nature absolument non polémique de ce rapport est un élément que je tiens à relever avec une grande clarté : tout type de discours de haine à l’encontre d’une religion quelle qu’elle soit est toujours totalement erroné. Ce qui semble parfois à l’un un argument fort devient une insulte pour l’autre donc une sorte d’effet de « refroidissement » du discours qui s’exerce parce que l’on ne veut offenser personne – ce que l’on appelle « le politiquement correct ».
Nous avons adopté une loi au Royaume-Uni qui traite des voyous, du fait qu’il est interdit d’avoir des comportements belliqueux ou insultants, d’adopter certains comportements… Par exemple, lors d’un débat théologique dans un bed and breakfast, quelqu’un a formulé des remarques désobligeantes sur Mahomet, sur les vêtements portés par les musulmans : il a été traduit en justice. De même, un homme d’église qui évoquait ce que disait la Bible à propos de l’homosexualité a également été poursuivi en justice. Dans une autre affaire, une personne qui disait que la scientologie était très dangereuse a également été poursuivie, car, là encore, on estimait qu’elle avait usé de paroles insultantes et désobligeantes.
Pour ma part, j’appuie totalement les propos tenus ce matin par le Patriarche, à savoir que la liberté, c’est un don de Dieu. Catholique pour ma part, je pense que la chrétienté se doit de rester au cœur de la culture européenne, mais il n’est pas pour autant question de ne pas défendre le droit de ceux avec qui nous ne sommes pas d’accord de pouvoir s’exprimer librement, comme le disait Voltaire. Même si quelqu’un a absolument tort à nos yeux, il faut lui permettre de s’exprimer. C’est cela, la liberté. Si nous nous comportions tous de cette façon, je pense que nous aurions au moins accompli quelque chose dans le sens du débat d’aujourd’hui.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Memecan, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe. 
 
M. MEMECAN (Turquie)* – Je félicite Mme la rapporteure pour l’approche positive qui fut la sienne sur ce sujet sensible et la remercier d’avoir mis l’accent sur l’humilité dans ses propos liminaires.
Les être humains essaient d’apprendre à vivre ensemble depuis la nuit des temps et, comme le disait Mme Brasseur, nous avons aujourd'hui encore grand besoin de créer une nouvelle culture du vivre-ensemble, car nous n’avons toujours pas appris à vivre ensemble et il y a toujours des abus et des victimes de ces abus. Il faudrait donc saisir toutes les occasions afin d’empêcher les gens de tomber dans ce piège d’abuser des croyances pour provoquer le chaos.
La xénophobie, l’antisémitisme et la christianophobie illustrent ce type de comportement. Le rapport nous encourage à les écarter absolument et à vivre ensemble dans le respect mutuel. À cet égard, les déclarations constructives et pacifiques des représentants religieux constituent un apport important dans la lutte contre la haine. Je veux donc remercier les dignitaires religieux présents aujourd’hui d’avoir accepté de participer à nos débats et d’avoir prononcé des paroles qui seront pour nous de véritables sources d’inspiration.
Les organisations professionnelles non confessionnelles permettent d’unir les individus au-delà des différences religieuses. Les droits de l’homme universels restent la référence. Nous devons apprendre à respecter les différences et enseigner ce respect à nos enfants. L’unité dans la diversité, voilà ce que nous devons mettre en avant.
En matière d’échanges culturels, il me semble important de partager entre nous les bonnes pratiques. La rapporteure le recommande à juste titre, s’agissant des jeunes notamment.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Petrenco, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. PETRENCO (Moldova)* – Mes chers collègues, c’est pour moi un très grand honneur de m’exprimer aujourd’hui au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne. Je veux avant tout féliciter la rapporteure pour son remarquable travail et revenir plus particulièrement sur certains points.
Afin de créer une nouvelle culture du vivre ensemble, comme nous y invite le rapport, nous devons avant tout défendre le principe du multiculturalisme en Europe, que certains remettent malheureusement en question. Selon eux, un système fondé sur ce principe n’est pas viable. Leur critique, en attaquant la paix civile, porte un rude coup à l’ensemble de l’édifice européen. Nous ne pouvons donc que condamner les récentes déclarations de dirigeants français et allemands sur l’échec du multiculturalisme en Europe, déclarations qui constituent un véritable retour en arrière en appelant au repli sur soi et en stigmatisant les étrangers.
En réalité, ce qui a échoué en Europe, ce sont les politiques menées par certains gouvernements, qui ont évité d’affronter les véritables défis et qui n’ont pas garanti la coexistence pacifique entre les communautés tout en veillant aux libertés fondamentales et aux droits des citoyens.
Toute société repose sur la coexistence pacifique de ses différentes composantes, y compris les composantes laïques. Dans plusieurs pays, certaines religions ont tenté dernièrement de s’ingérer dans les affaires de la vie civile, ce qui a évidemment suscité de nouveaux affrontements. Les religions doivent savoir qu’elles ont des limites à leur pratique, à savoir le respect des libertés fondamentales des citoyens. Personne n’a le droit d’attenter au droit à la liberté de conscience et de conviction d’autrui. Il est donc important que les différentes religions veillent à apaiser les tensions plutôt qu’à les alimenter.
Pour conclure, ce rapport marquera sans nul doute un pas important vers la construction du modèle que nous appelons tous de nos vœux en Europe.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Santini, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. SANTINI (Italie)* – « Unis dans la diversité » : aucune autre formule ne semble mieux convenir à notre débat de ce matin. C’est pourquoi elle ne peut que recueillir un très vaste consensus. Nous avons tous des convictions religieuses différentes et pourtant nous pouvons vivre ensemble en bonne intelligence.
La Convention européenne des droits de l’homme reconnaît la liberté de pensée et la liberté de culte. Si chacun considère l’autre avec respect, ces libertés fondamentales peuvent s’exercer sans restriction. La liberté de chacun finit là où commence celle de l’autre ; à condition de le comprendre, la coexistence pacifiques des religions est possible. Il faudrait alors adopter une nouvelle formule : Le respect dans la diversité.
Si chacun joue le jeu, il est possible de vivre ensemble sereinement. Les hommes de foi doivent dialoguer entre eux, certes, mais aussi avec les agnostiques et avec les athées. Hélas, la multiculturalité est souvent attaquée et, au lieu de rapprocher les communautés, on enracine les différences.
Le préambule de la Constitution européenne devait inclure le principe de racines chrétiennes communes, puis on a parlé de racines judéo-chrétiennes et, après de multiples controverses sur le choix des termes, on a fini par aboutir à une désignation qui ne satisfait personne. Aucune religion ne prévaut sur les autres. L’Etat laïque doit toutefois reconnaître le droit à l’expression religieuse et la place de la religion majoritaire.
Dans mon pays, récemment, une affaire a fait grand bruit, celle d’une institutrice qui demandait le retrait des crucifix dans les salles de classe, alors que l’Etat italien reconnaît le droit à l’exposition de ce symbole religieux. La Grande Chambre de la Cour de Strasbourg a reconnu, à juste titre selon moi, que même dans un Etat laïque, les signes religieux ont le droit de cité.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Connarty, au nom du Groupe socialiste.

M. CONNARTY (Royaume-Uni)* – Je salue le travail accompli par Mme Brasseur et je remercie M. Toshev pour sa contribution au débat. Les différents dignitaires religieux qui se sont exprimés ce matin et qui ont donné leur vision du dialogue interculturel ont clairement montré que nous avons l’obligation de nous respecter les uns les autres.
Toute l’utilité de ce rapport est de formuler des recommandations, que nous devons désormais appliquer. Il y est question de bigoterie et d’incompréhension, des maux que l’Europe connaît depuis des siècles. On y trouve aussi des exemples de violences basées sur les confessions. J’ai pu en voir dans mon propre pays. Il y a également des meurtres qui mélangent politique et religion ; je pense notamment à cet acteur et producteur palestinien de religion mixte, tué à Jénine en Palestine.
Nous avons des valeurs communes, reconnues par la Cour, qui jouent le rôle de phare dans la lutte contre la bigoterie. Le projet de recommandation demande aux Etats et aux organisations confessionnelles et non confessionnelle de jouer un rôle plus actif dans le dialogue interculturel. Au point 8, il appelle à développer une nouvelle culture du vivre ensemble. Les événements actuels nous montrent qu’il reste encore beaucoup à faire en la matière. Alors servons-nous de ce rapport pour faire entendre la voix de la raison.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Mignon.

M. MIGNON (France) – Je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de notre président, qui a permis qu’un tel débat ait lieu ici. Je félicite également notre rapporteure, Mme Anne Brasseur, pour son rapport équilibré sur une question ô combien difficile, qui met en exergue les difficultés du vivre ensemble dans nos démocraties.
André Malraux aurait prophétisé que le XXIe siècle serait religieux ou ne serait pas. Peu importe sa véracité, la profondeur de l’expression s’impose. Dans un siècle où le matérialisme paraît avoir suppléé toutes les autres croyances, le retour au religieux semble répondre à des quêtes identitaires, des quêtes de sens que les valeurs démocratiques de nos sociétés n’incarnent plus, ou alors seulement à défaut d’une espérance plus forte. Si la recherche d’un réconfort spirituel est à saluer, elle ne peut se faire au détriment ni des croyants, quelles que soient leurs religions, ni des valeurs démocratiques. Au contraire, celles-ci sont le socle sur lequel toutes les religions peuvent prospérer, à condition que leur prosélytisme ne soit pas contraire au respect et à la dignité de l’autre.
La rapporteure n’a pas souhaité développer les concepts de laïcité et de sécularisation de l’Etat. Néanmoins, son rapport met en exergue le rôle de l’Etat dans les société démocratiques, sa neutralité dans les questions religieuses, neutralité qui correspond précisément à la modernité démocratique, c’est-à-dire à la séparation du séculier et du religieux.
En France, cette neutralité porte le nom de laïcité ; ailleurs celui de sécularisation. Peu importe le terme, l’essentiel est de définir précisément ses contours : l’Etat doit favoriser la pluralité des expressions religieuses dans le respect mutuel de chacune comme des non-croyants. Cette neutralité implique une absence d’ingérence dans les affaires religieuses. Aussi l’Etat ne peut-il mener directement le dialogue interculturel ; c’est aux associations cultuelles de le faire. Toutefois il peut le favoriser en assurant que chaque religion, et ses fidèles, seront respectés sur son territoire.
La proposition d’Anne Brasseur que le Conseil de l’Europe puisse faciliter les échanges interreligieux en tant que plate-forme de dialogue me semble intéressante, car notre Organisation ne saurait souffrir de partialité et apparaît bien comme le lieu favorable aux échanges entre les instances religieuses, dans un cadre respectueux des valeurs démocrates.
Le rapport traite d’un autre point fondamental, et lié avec un sujet qui viendra en discussion à cette session : l’enseignement dans les écoles publiques du fait religieux. L’apprentissage des valeurs démocratiques, de la tolérance et du respect de l’autre commence dès le plus jeune âge. Dans une société qui reconnaît la diversité culturelle, il est nécessaire d’enseigner le fait religieux comme marque de cette diversité.
Comment vivre dans la concorde sans connaître les différences qui font la richesse de nos sociétés multiculturelles ? Comment vivre dans le respect mutuel en méconnaissant les différents messages de paix au cœur des trois religions du Livre et des philosophies humanistes ? Comment vivre ensemble sans connaître les rites et les particularités de nos concitoyens ? L’éducation est le point d’articulation entre un dialogue interreligieux nourri de tolérance et l’apprentissage des valeurs démocratiques.
La diversité religieuse, dimension inhérente à nos sociétés démocratiques, est un fait. Elle n’est en rien synonyme de menace, mais une richesse dont nous devons nous réjouir.

(...)



Question écrite No. 597 au Comité des Ministres | Doc. 12594 | 18 avril 2011


Liberté de pensée, de conscience et de religion

Question de M. Latchezar TOSHEV, Bulgarie, PPE/DC
Notant que:
  • Le paragraphe 4 de la Recommandation 1962 (2011) déclare que "la liberté de religion ainsi que la liberté d’avoir une vision philosophique ou laïque du monde sont indissociables de l’acceptation sans réserve, de la part de tous, des valeurs fondamentales inscrites dans la Convention" ;
  • Le paragraphe 10 rappelle "l’obligation pour les Etats de veiller à ce que toutes les communautés religieuses qui acceptent les valeurs fondamentales communes puissent bénéficier de statuts juridiques appropriés garantissant l’exercice de la liberté de religion" et que "les Etats doivent également réconcilier les droits des communautés religieuses avec la nécessité de sauvegarder les droits des personnes sans croyances religieuses qui adhèrent à ces mêmes valeurs fondamentales" ;
M. Toshev,
Demande au Comité des Ministres:
de confirmer, quand il considérera sa réponse à la Recommandation 1962 (2011), que la liberté de pensée, de conscience et de religion, consacrée par la Convention européenne des droits de l'homme, est inconditionnelle et ne dépend pas de l'acceptation de valeurs fondamentales ni de l'adhésion à de quelconques valeurs.




Réponse à Question écrite
Liberté de pensée, de conscience et de religion
Réponse à Question écrite | Doc. 12706 | 15 septembre 2011
http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-fr.asp?fileid=13003&lang=fr



Liberté de pensée, de conscience et de religion

Auteur(s) : Comité des Ministres

Origine - adoptée à la 1119e réunion des Délégués des Ministres (7 septembre 2011) 2011 - Quatrième partie de session
Réponse à Question écrite: Question écrite n° 597 (Doc. 12594)
1. Le Comité des Ministres considère la liberté de pensée, de conscience et de religion comme un droit inaliénable, consacré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies et garanti par l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ainsi que par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, dont le Conseil de l’Europe est le gardien. Il a réaffirmé fermement ce principe dans sa Déclaration sur la liberté religieuse, adoptée le 20 janvier 2011. Il examinera la Recommandation 1962 (2011) de l’Assemblée parlementaire sur « La dimension religieuse du dialogue interculturel », à laquelle l’Honorable Parlementaire fait référence, en se fondant sur le même principe.